Art History and New Media: What’s Up?, tel est le titre du dernier colloque annuel de l’Association suisse des historiennes et historiens de l’art (VKKS-ASHHA) qui s’est tenu les 15 et 16 octobre 2021 à la Haus der Elektronischen Künste (HEK) à Bâle/Münchenstein. Organisée par le Comité de la VKKS-ASHHA (Régine Bonnefoit, Melissa Rérat et Samuel Schellenberg) en collaboration avec l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie de l’Université de Neuchâtel, cette manifestation internationale a rassemblé quelque treize chercheuses et chercheurs, venant de Suisse, de France, d’Allemagne, d’Autriche, de Grande-Bretagne et des États-Unis. Sous le signe de la réflexion transversale, il y était question de sonder l’histoire de l’art face à l’évolution des « nouveaux médias ». De l’électronique, au numérique puis au post-numérique, les techniques et les pratiques rassemblées sous cette expression lancent des défis tant pragmatiques que théoriques à l’histoire de l’art.
Alors quoi de neuf ? Eh bien de nombreux et divers axes de recherche, des échanges entre la discipline traditionnelle de l’histoire de l’art et des outils conceptuels et techniques nouveaux ou encore des positions interdisciplinaires riches et fécondes. La première journée, intitulée Histoire et historiographie des médiums et des médias, a été ouverte par Larisa Dryansky qui s’est penchée sur les objets vidéographiques de l’artiste Woody Vasulka (1937-2019). Les concepts d’énergie et de matière vidéo ont été présentés, lesquels redéfinissent la frontière entre l’analogique et le numérique, entre le matériel et l’immatériel. Zsofi Valyi-Nagy s’est quant à elle intéressée aux screenshots de Vera Molnár (* 1924), montrant que les captures d’écran d’ordinateur ont nourri les recherches artistiques bien avant l’ère digitale. C’est l’histoire d’une fleur qu’a racontée Olga Osadtschy, sur la base de l’œuvre d’Anna Andreeva (1917-2008) en Union soviétique. L’artiste travaillant le textile a eu recours à la programmation mathématique (informatique dirait-on aujourd’hui) de métiers à tisser. Les conférences de Fleur Chevalier et de Katharina Brandl ont clos la journée liminaire ; la première a brossé une histoire de l’« art cathodique » en France. Ce néologisme lui permet de qualifier les diverses expérimentations de l’image télévisuelle entreprises par les artistes français-e-s dans les années 1970-1990. Puis c’est le jeu vidéo qui a retenu l’attention de la deuxième conférencière, plus précisément la plateforme de gaming Twitch que se réapproprient plusieurs artistes depuis 2010 afin d’y proposer des performances.
La seconde journée a tout d’abord réuni deux exposés autour de l’Usage et réception des nouveaux médias. Aline Guillermet a exploré la quantification de la perception esthétique, non seulement lors du traçage du regard humain, mais aussi dans l’emploi d’ordinateurs pour analyser les œuvres et dépasser ainsi les capacités de l’œil du/de la connaisseur-se. C’est un état des lieux on ne peut plus actuel qu’a établi Nina Zschocke en partageant quelques expériences numériques issues du quotidien, de l’enseignement et de la recherche rassemblées depuis le début de la pandémie de Covid 19. La réflexion s’est conclue autour d’une performance de U5 [1]. La deuxième partie de la journée, Projets : création, conservation, médiation, a dévoilé plusieurs projets en cours mêlant les ressources de l’histoire de l’art et des nouveaux médias, aux croisements de la gestion de données dans les thésaurus en ligne (Sarah Amsler), de la conception d’expositions grâce à l’intelligence artificielle (Dominik Bönisch), de l’enseignement du code libre à des fins de sauvegarde du patrimoine numérique (Keyvane Alinaghi et Caroline Tron-Carroz) et de l’architecture en tant que méthode de recherche en sciences historiques (Dominik Lengyel et Catherine Toulouse) [2].
Loin d’être réglée, la question des rapports entre histoire de l’art et nouveaux médias se pose dans de nombreux domaines de la discipline, que ce soit en lien avec les œuvres et les artistes étudié-e-s ou simplement dans la pratique quotidienne de l’histoire de l’art. Elle rappelle plus largement qu’en tant que science humaine, l’histoire de l’art est susceptible d’accompagner chacun-e dans son appréhension d’un monde de plus en plus digital.
Auteur(s) de cette contribution :
Melissa Rérat est Docteure ès lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel (Institut d’histoire de l’art et de muséologie). Elle est actuellement collaboratrice scientifique en charge de l’édition, des archives et des traductions auprès de l’Antenne romande de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA). Ses recherches portent sur l’histoire de l’art vidéo et des nouveaux médias, les croisements entre sociologie et histoire de l’art, le rôle des archives dans la construction des savoirs et les questions de genres en art contemporain.