Les crypto-monnaies sont en train de s’insérer petit à petit dans le marché monétaire en tant que moyen numérique de paiement. Pourtant, il est déjà possible d’effectuer des paiements via des devises numériques. Ce moyen de paiement est même en train de se généraliser depuis que le service PayPal a récemment rendu possible son utilisation pour effectuer des achats en ligne.
Cette innovation de taille soulève des questions importantes en lien avec les assurances sociales. Supposons qu’un-e employeur-euse rémunère ses employé-e-s en Bitcoins ou en tokens, quelles seraient les conséquences du point de vue des assurances sociales ? De manière générale, les parties à une relation de travail ont une grande liberté contractuelle leur permettant de convenir d’une telle rémunération. En bonne logique, l’employeur-euse reste tenu-e de verser, aux institutions concernées, les charges sociales en francs suisse. Or, il est indéniable que la mise en œuvre de cette obligation entraîne d’importantes complications, tant que les crypto-monnaies n’auront pas de cours légal en Suisse (au sens de La loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement – LUMMP ; RS 941.10). Cette question est d’autant plus sensible au vu de l’extrême volatilité des crypto-monnaies. Sur un plan purement fiscal, l’Administration fédérale des contributions admet que si le salaire est versé à l’employé-e sous forme de crypto-monnaie, celui-ci est imposable à titre de revenu d’une activité lucrative et le montant qui doit figurer sur le certificat de salaire est la valeur au moment de la perception, convertie en francs suisses. Si l’on applique ce raisonnement par analogie en droit des assurances sociales, les charges sociales dues par l’employé-e et l’employeur-euse peuvent être aisément fixées. Il faut néanmoins garder à l’esprit que, dans pareille situation, la date du paiement de ces cotisations ne coïncide pas nécessairement avec la date de perception du salaire. Il se peut qu’entre-temps, la valeur de la crypto-monnaie se soit dépréciée. Le cas échéant, le travailleur, respectivement la travailleuse risque de supporter un surcoût susceptible de le/la placer dans une situation de détresse financière.
En tous les cas, le Tribunal fédéral n’a pas encore tranché la question de l’admissibilité d’un tel moyen de paiement en guise de salaire. Bien qu’une interprétation littérale des art. 322 ss du Code des obligations ne l’exclue pas, il est permis d’anticiper que les enjeux pratiques liés à la protection sociale des travailleurs-euses limiteront sensiblement la liberté contractuelle dans ce domaine.
Auteur(s) de cette contribution :
Assistant-doctorant dans la Chaire de droit de la sécurité sociale, à la faculté de droit à l'Université de Neuchâtel. En tant que membre du LexTech Institute, je m'intéresse particulièrement aux impacts de la révolution numérique dans le droit des assurances.